LE GRAND RETOUR
Tous les autres chefs d’Etat et de gouvernement participants avaient rejoint leur pays, et continué de participer à d’autres rendez-vous dans d’autres coins de la planète, notamment à New-York pour l’Assemblée générale des Nations unies, en France pour le Sommet de la Francophonie, ou pour une autre rencontre économique en Allemagne. Mais depuis lors, les Camerounais avaient perdu les traces de leur président.
À défaut d’un communiqué officiel pour détailler la suite de l’agenda du chef de l’Etat, comme cela se fait dans la modernité démocratique et de la communication, le black-out de la communication présidentielle a été appliqué au Cameroun. Naturellement, il a fait le lit des réseaux sociaux. Ce silence mystérieux a ouvert un boulevard d’intox et d’infox. Les « lanceurs d’alerte » ont occupé le terrain de la communication, déserté par la communication institutionnelle de la présidence de la République.
Ces flibustiers de l’information, qui ont fuit le travail contraignant et bien moins rémunéré des salles de rédaction traditionnelle, ont préféré à cette noble besogne, la publication des « alertes » et des chantages qui les mettent en valeur.
Le tocsin
Parce que la communication présidentielle n’a pas existé, les compatriotes de Paul Biya étaient réduits à consommer l’information ou l’intox qui l’avait » hospitalisé » tantôt à l’hôpital suisse de Paris, tantôt à l’hôpital militaire de Clamart, ou alors il était soigné à « domicile » à Intercontinental de Genève, cadre qu’il affectionne de tout son cœur.
Il a fallu que, le 08 octobre dernier, la chaîne télé Abs émettant depuis les États-Unis, sonne un tocsin: « Paul Biya est mort en France« , pour qu’une avalanche de communiqués rédigés à la hâte pour certains, démentent dans la foulée l’infox de Abs. Les plus zélés de ces démentis sont allés jusqu’à dire que le » president de la République est en super forme, qu’il poursuit normalement ses occupations « .
Ces démentis, bien qu’ils émanaient tous des membres du gouvernement et de l’ambassadeur du Cameroun en France, ils n’ont pas dissipé le doute, jusqu’à ce que les services de la présidence annoncent que Paul Biya rentre au bercail lundi 21 octobre.
Tout le monde sait que, une personne de 92 ans révolus, fut-elle un athlète de haut niveau , il lui serait impossible de jouir de toutes ses facultés physiques, mentales et intellectuelles. Le problème ici est que, le président Biya pense qu’il dispose de toutes ses capacités voulues pour continuer de diriger un pays à construire où tout est à faire. Il faudrait donc qu’il se soumette aux exigences de la haute fonction qui est la sienne: tenir les conseils de ministres pour prescrire chaque semaine des directives gouvernementales pour l’harmonie des actions à mener; rendre public son agenda et son bulletin de santé; obliger les ministres à communiquer sur leurs activités. Ce n’est pas une mince affaire.
« Le fantôme vous salue »
Paul Biya est un sphinx. Ceux qui sont ou ont été ses plus proches collaborateurs, disent dans leurs témoignages publiés en librairie, qu’il leur pose toujours cette question-piège : » Vous êtes à côté du pouvoir, il ne vous arrive pas par moment de penser que vous pourriez vous asseoir à ma place un jour ? « . Il ne fixe personne quand il pose cette question, afin de ne pas perturber la réponse !
Il est donc probable que, le président, pour déceler ceux qui lorgneraient son fauteuil, il organise une disparition pour bien voir les hypocrites qui aimeraient le voir partir. Ce ne fut pas le cas en 2004 ? Quand il revint d’une longue et mystérieuse absence comme celle-ci, il fit cette déclaration à sa descente d’avion – ce qui n’est pas dans ses habitudes – : « Le fantôme vous salue bien… À ceux qui s’intéressent à mes funérailles, je leur donne rendez-vous dans une vingtaine d’années « . C’est encore cela, le sphinx.