ÉVOCATION
Dans les couloirs, glacés de Moscou, nous avons rencontré Junior Isidora Da Silva. Il ya 10 ans, il quittait son pays natal la Guinée Bissau, animé par une ambition claire : devenir mathématicien. La tête pleine de rêve, le cœur habité par la passion, il est persuadé que la Russie, ce pays qu’il ne connaissait mais qu’il associait à l’excellence scientifique lui ouvrirait les bras avec facilité.
A 21 ans, il entame son parcours en mathématiques mais, la réalité le rattrape rapidement. La rudesse du système universitaire russe est implacable. A l’université russe de l’Amitié des Peuples Patrice-Lumumba où il est scolarisé, les cours s’enchaînent à un rythme effréné, les difficultés s’accumulent, la vie sociale en plus du climat glacial pèse sur son moral.
Un avenir incertain
A mesure que les mois et les années se succèdent, la flamme qui animait le jeune bissau-guinéen s’affaiblit. Ses notes chutent, souvent les plus faibles de sa promotion et chaque résultat devient une source de frustration. Au terme de sa quatrième année après un trimestre particulièrement éprouvant, junior cède. Il prend ses distances. Plus d’amphithéâtre, plus de campus. Il s’enferme dans sa petite chambre d’étudiant, laissant la porte close sur un avenir qu’il ne parvient plus à imaginer.
C’est là, dans ce silence, qu’il repense sa vie. « Je savais que je venais de rater mon projet d’étude en Russie, dit-il. J’avais besoin d’air. Je voulais réfléchir à une autre trajectoire, peut-être un nouveau départ en Europe. » L’Europe pour Junior, représentait l’occasion de rattraper ses rêves et de recoller les morceaux d’une ambition blessée.

Les absences prolongées de Junior au sein du campus alerte l’administration notamment Hélène Apasova, vice-rectrice à la communication à l’Université de RUDN Patrice Lumumba. Une femme attentive, respectée qui connaît chacun de ses étudiants. Au sein du campus de Moscou, elle est d’une présence maternelle. C’est donc elle, qui, un matin convoque le jeune homme. « J’ai senti que quelque chose n’allait pas, raconte-t-elle. Junior était toujours souriant, engagé dans la vie culturelle et sportive du campus. Son silence soudain n’était pas normal », renchérit l’enseignante.
Dans son bureau, elle écoute le jeune homme. Le découragement, les doutes, le poids d’un choix d’orientation qui n’était peut-être pas le sein. Très vite, « j’ai compris que le parcours de mathématiques ne lui convenait plus. Je lui ai alors proposé une alternative : un cursus en audiovisuel au sein de l’école » soutien-t-elle aux journalistes présents lors la visite de son campus dans la cadre du voyage de presse Russie-Afrique en novembre 2025.
Hélène Apasova, une nouvelle mère

L’audio-visuel est un domaine que Junior connait bien et pour lequel il est également passionné. « A chaque évènement au campus, Junior se propose toujours de réaliser des images et des vidéos. Il avait de bonne connaissances en cadrage, montage, photographie. Il avait là l’occasion de laisser son talent s’exprimer », explique celle qui est devenue une nouvelle mère pour Junior. Cette proposition devient un tournant décisif. Junior découvre un domaine où ses aptitudes naturelles la photo, la vidéo, la création visuelle s’expriment pleinement. Pour la première fois depuis longtemps, il se sent à sa place.
Ce nouveau départ lui a ouvert les portes d’un avenir insoupçonné. Il obtient son bachelor, au bout de quatre années supplémentaires. Ensuite, il rejoint l’équipe de télévision de l’université en tant que staff permanent et aujourd’hui, il prépare désormais son entrée en master. « Hélène Apasova est comme une seconde mère pour moi, affirme Junior avec émotion. Elle m’a offert une nouvelle chance au moment où je voyais mes rêves s’éteindre. Aujourd’hui, mes projets prennent forme, je vois ma vie avancer. Je suis reconnaissant envers ma famille de l’université de RUDN. »
VB À MOSCOU
