Un ministre d’un pays voisin débarque à Yaoundé par l’aéroport de Nsimalen. En traversant les quartiers sud de la ville, il remarque : « chaque fois que je regarde Yaoundé, j’ai des larmes aux yeux. Je m’interroge sur ce qui pourrait expliquer cette plongée dans l’abîme de cette ville naguère belle ? Elle ne se développe pas. Tout est désor- dre, les rues, les maisons, la voirie, les populations… »
Rejoignons ce ministre : des Camerounais qui sortent du pays pour voyager en Afrique ou au-delà, font le même constat : le pays a fait un grand bon en arrière, en tout ! Infrastructures, vie civique, mais surtout au plan mental, c’est la catastrophe ! Si vous tentez de déclamer ce constat à certaines personnes, immédiatement on vous rétorque que vous n’aimez pas votre pays. Bigre ! C’est seulement maintenant que le gouvernement va faire rallier Yaoundé et Douala par une autoroute. C’est maintenant seulement qu’il sera possible d’entrer dans la capitale sortant de l’aéroport par une autoroute péniblement en construction. Cette capitale n’a pas de boulevards périphériques, c’est anormal. La morale a foutu le camp, les mœurs sont dépravées, l’incivisme s’est installé autant que la corruption, le vol, le népotisme, le tout chapeauté par le tribalisme. D’aucuns disent : « Est-ce Paul Biya qui fait tout cela ? » Les plus naïfs (volontaires) se rassurent qu’après lui, l’ordre et la discipline règneront. Inch’alah !
On dit souvent : il est facile de détruire un édifice, mais c’est très difficile de le reconstruire. Un pays est un édifice constitué de ses hommes d’abord, le reste suit. Lorsque ces hommes sont touchés dans leur mental, c’est l’édifice-nation qui s’écroule. En sommes-nous si éloignés au Camer- oun ? Difficile de répondre par l’affirmative. Les maux non exhaustifs ont été cités plus haut.
En trois décennies, Paul Biya a fait fabriquer tous les hauts cadres de la République. Ils ont été façonnés dans le moule du chef de l’Etat. Ils l’ont accompagné à accomplir son dessein : rester le plus longtemps possible au pouvoir. Hisser le Cameroun au peloton des pays émergents ne semble pas avoir été leur objectif. Cet objectif est atteint.
Peut-on croire qu’une « créature » du chef de l’E- tat, une fois à la tête du pays, ferait autre chose que ce qui a réussi au maître ? Le reflexe humain et normal serait de faire comme le maître, pour rester aussi longtemps que possible au pouvoir. Les recettes pour cela sont connues…
Depuis quelque temps, des articles que nous savons tous commandités, inondent les journaux et les réseaux sociaux. Les scribouillards de ces souillures n’arrêtent pas de dessiner les portraits robots des personnes susceptibles d’occuper le fauteuil présidentiel à Etoudi. Le comble de cette démesure est que, ces illusionnistes ignorent sciemment que le Cameroun est doté d’une constitution et d’un code électoral. Que sauf coup d’Etat (hypothèse à ne pas écarter), aucun de ces illusionnistes ne rempli les conditions objectives pour remplacer Paul Biya, même en application du règlement intérieur du RDPC, parti auquel ils appar- tiennent tous. Par quelle alchimie normative ils remplaceraient alors Paul Biya ?
Une chose est certaine, quelle que soit la forme de départ du président Biya du pouvoir, il se fera remplacer une par une de ses « créatures ». La machine répressive en place a broyé toutes les oppositions politiques. Elle a étouffé les velléités présidentielles internes dans le système. Il reste néanmoins un espoir, celui d’espérer qu’à l’intérieur de l’établissement, il y ait un élément discret qui observe, le moment venu, qu’il se dévoile et redresse ce pays, sans avoir pour programme de battre en longévité celle du « créateur », mais de poser des actes d’éclat en un temps record. A défaut de ce messie, le Cameroun sera de nouveau dirigé par Biya sans Biya.