novembre 7, 2024
Henry Kissinger, patriarche de la diplomatie américaine
Le politicien et ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger a célébré son centenaire le 27 mai dernier. Il est le seul haut responsable de l'histoire américaine à avoir occupé simultanément les postes de secrétaire d'État et de conseiller du président pour la sécurité nationale.

TRAJECTOIRE

Il est considéré comme le patriarche de la diplomatie américaine, étant à la fois réaliste et pragmatique en matière de politique étrangère, il a joué un rôle clé dans l’élaboration de la politique de Washington dans les années 1970. M. Kissinger est considéré comme l’un des auteurs de la politique de « détente » dans les relations entre les États-Unis et l’Urss et comme un partisan du dialogue avec la Chine communiste, qui a abouti à l’établissement de relations diplomatiques entre Washington et Pékin en 1979. Il a également négocié la fin de la guerre du Vietnam et les Accords de paix de Paris. Henry Kissinger a reçu le prix Nobel de la paix pour cela en 1973, avec le diplomate et homme d’État vietnamien Phan Dinh Khai. Toutefois, le diplomate porte la responsabilité notamment d’activités subversives contre le président du Chili Salvador Allende, du soutien au coup d’État militaire dans ce pays et au dictateur Augusto Pinochet, de l’extension de la campagne de bombardements au Nord Vietnam, de frappes au Cambodge et au Laos et de l’ingérence dans les affaires intérieures de l’Angola.

Une position revue

M. Kissinger, qui se rend fréquemment à Moscou, a constamment plaidé en faveur d’une résolution négociée de la crise en Ukraine au cours des dernières années. Il avait averti qu’une nouvelle guerre froide serait potentiellement plus dangereuse que la première et a exhorté l’Occident à maintenir la Russie dans l’espace paneuropéen.

Dans une interview accordée en mars 2019 au premier directeur général adjoint de l’agence Tass, Mikhaïl Gusman, M. Kissinger a qualifié la Russie de « grand pays avec une grande histoire » et a admis qu’il lui était « difficile d’imaginer un ordre international dans lequel la Russie ne figurerait pas parmi les principaux acteurs» . « La Russie doit être impliquée dans tous les problèmes mondiaux. Et au bout du compte, ce sera le cas» , avait déclaré Kissinger à l’époque.

Néanmoins, il a revu certaines de ses propres positions relativement récemment et a appelé à l’inclusion de l’Ukraine dans l’Otan, soi-disant pour que Kiev, selon ses mots, ne puisse pas « prendre de décisions sur des revendications territoriales au niveau national » et ne s’engage pas dans des péripéties militaires. Dans la même interview accordée au magazine The Economist, le 56e secrétaire d’État a alaissé entendre que les propositions russes de 2021 sur les garanties de sécurité auraient pu constituer une base de dialogue entre Moscou et Washington, mais n’ont pas été prises au sérieux par l’administration américaine, et a décrit le bras de fer entre les États-Unis et la Chine comme la principale menace pour la paix et l’existence même de l’humanité à l’heure actuelle.

Un rôle sans précédent

M. Kissinger a occupé des fonctions gouvernementales sous les administrations tant républicaines que démocrates. Ainsi, il a travaillé avec les présidents Dwight Eisenhower (1953-1961), John F. Kennedy (1961-1963) et Lyndon Johnson (1963-1969).

En 1969, il devient conseiller à la sécurité nationale des États-Unis sous la présidence de Richard Nixon (1969-1974). Il occupe ce poste de janvier 1969 à novembre 1975. Il a également été secrétaire d’État américain à partir de septembre 1973. Sous M. Kissinger, les premiers accords entre l’Union soviétique et les États-Unis sur la limitation des armements stratégiques offensifs et le traité Abm (1972), ainsi que l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (1975), ont été signés. En outre, grâce à la « diplomatie de la navette » de M. Kissinger en 1974, des accords de retrait des troupes ont été conclus entre l’Égypte, la Syrie et Israël. Les efforts de M. Kissinger ont également contribué à la levée de l’embargo pétrolier américain par l’Opep, qui avait été imposé en 1973 en raison des livraisons d’armes de Washington à Israël et qui avait durement frappé l’économie américaine.

« Je suis seul »

« L’Ukraine ne devrait pas essayer de reprendre la Crimée et Sébastopol, car cela pourrait avoir des conséquences négatives pour le monde entier ». C’est ce qu’a déclaré l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger dans une interview au Wall Street Journal, publiée vendredi. « La perte de Sébastopol par la Russie, qui n’a jamais été ukrainienne dans l’histoire, sera une telle chute qui mettra en danger l’intégrité de l’État. Je pense que ce serait indésirable pour le monde après l’Ukraine», a-t-il constaté.

En outre, l’Ukraine devrait rejoindre l’Otan après la crise actuelle, a poursuivi M. Kissinger. « Je me suis retrouvé dans une situation ironique, car avant j’étais le seul à m’opposer à son adhésion à l’Otan, et maintenant je suis presque seul en faveur de son admission» a-t-il noté.

Émigré, agent des renseignements, diplômé

Henry Kissinger est Américain. Mais il est né le 27 mai 1923 dans la ville bavaroise de Fürth, en Allemagne, dans une famille juive de classe moyenne. Son nom de naissance est Heinz Alfred Kissinger. Son père était instituteur et sa mère femme au foyer. En 1938, la famille s’installe d’abord à Londres, puis émigre aux États-Unis (à New York). Il a participé à la Seconde Guerre mondiale. De 1943 à 1946, il a servi dans le contre-espionnage militaire (en tant que soldat, puis sergent). Il a été traducteur d’allemand, a fait partie des groupes qui se sont battus en Allemagne et qui ont créé les autorités d’occupation. Il a reçu la médaille de l’Étoile de bronze (Bronze Star Medal). De 1946 à 1949, il est capitaine dans la réserve du renseignement militaire. En 1947, il retourne aux États-Unis. En 1952, il obtient une maîtrise, puis un doctorat en sciences politiques de l’université Harvard en 1954.

Une mauvaise approche

Deux derniers présidents américains, Donald Trump et Joe Biden, ont adopté une mauvaise approche envers la Chine, ce que le président Xi Jinping ne peut tolérer. L’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger a exprimé cette opinion dans une interview au Wall Street Journal publiée vendredi 26 mai 2023. Xi Jinping « s’est heurté, en la personne de deux derniers présidents américains, à des individus qui veulent obtenir des concessions de la Chine et les présenter comme des concessions» , a-t-il annoncé. Selon Henry Kissinger, dont les propos sont relayés ensuite en discours indirect par le journal, ce n’est pas la bonne approche.

Dans le même temps, souligne-t-il, Xi Jinping est un dirigeant chinois plus fort que ses prédécesseurs. « L’habileté consiste à voir les relations avec la Chine comme des rapports d’intérêt mutuel, dans le cadre desquels on parvient à des arrangements parce que les parties les considèrent comme la meilleure option. C’est la technique de diplomatie que je préfère », a résumé M. Kissinger.

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