SANTÉ PUBLIQUE
A l’heure où ce nouveau vaccin foule notre sol, la lucidité soutenue par la rigueur associée au domaine de la recherche scientifique exige de ses acteurs, les chercheurs, de ne pas manquer de préciser qu’en dépit de cette option singulière qu’est le vaccin, le paludisme demeure un sérieux problème de santé publique sur les 475 442 km² que compte le Cameroun. 9 experts sur 10 en entomologie et en parasitologie vous tiendront d’une manière ou d’une autre ce langage.
Un vaccin, pourquoi et pour qui ?
Selon les données officielles de l’édition 2023 du rapport annuel de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Cameroun fait partie de ces 12 pays qui, à eux seuls, représentent presque 70% du fardeau mondial de la maladie. Une telle situation ne peut être dissociée des facteurs qui ont favorisé l’introduction du vaccin Mosquirix TM RTS,S au Cameroun. Il s’agit du deuxième vaccin destiné uniquement aux enfants âgés de 6 mois, 7 mois et 9 mois pour les trois premières doses, et d’au moins 24 mois pour la quatrième dose (rappel). Ce nouveau vaccin a bénéficié de la validation de l’OMS, qui l’a autorisé à partir du lundi 2 octobre 2023. « En tant que chercheur sur le paludisme, je rêvais du jour où nous aurions un vaccin sûr et
efficace contre le paludisme. Maintenant, nous en avons deux », a fait savoir le Directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Dans le cadre de la mise en œuvre du programme de vaccination contre le paludisme au Cameroun, le ministre de la Santé publique, le Dr Manaouda Malachie, a réceptionné le 21 novembre 2023 un stock de 331 200 doses du vaccin RTS,S destiné aux enfants de 6 mois jusqu’au 31 décembre 2023, cibles de la première phase, réparties dans 42 districts de santé répertoriés dans les dix régions que
compte le Cameroun. Les informations fournies par le Programme élargi de vaccination (PEV) indiquent clairement que l’introduction du vaccin antipaludique RTS,S au Cameroun vise à contribuer à la réduction de la morbidité et de la mortalité du paludisme causé par le Plasmodium falciparum.
Un vaccin qui vient de loin
Selon les données recueillies auprès du PEV, il a fallu du temps. En effet, le Vaccin Antipaludique (VAP) est une protéine recombinante composée du circumsporozoïte de Plasmodium falciparum. Cette dernière est le principal antigène de surface du stade sporozoïte, combinée à l’antigène de surface de l’hépatite B (RTS) et associée à l’antigène de surface de l’hépatite B (S), d’où son appellation RTS,S. Il convient de souligner ici que le vaccin RTS,S a été conçu et créé à la fin des années 1980 par des scientifiques des laboratoires GlaxoSmithKline (GSK) Vaccines.
Ce vaccin a été financé en partie par l’initiative Path Malaria Vaccine Initiative et la Fondation Bill et Melinda Gates. Avant la phase actuelle, le vaccin RTS,S a fait l’objet de cinq essais contrôlés randomisés et de quatre études de suivi et d’extension. Il est important de rappeler que le processus d’essais cliniques se déroule en quatre phases. La phase 3 s’est déroulée de 2009 à 2014 dans sept pays d’Afrique subsaharienne et a nécessité le recrutement de 15 459 participants. Cette phase du procédé a démontré que ce vaccin diminuait le risque de paludisme de 55% dans les 12 mois suivant la primovaccination et de 39% sur quatre ans.
Les solutions locales
Du 16 au 21 septembre 2023, Addis-Ababa, la capitale de l’Ethiopie, accueillait la 9 ème Conférence de la Pan-African Mosquito Control Association (PAMCA). Au cours de cette rencontre les chercheurs africains ont présenté une multitude d’options envisageables pour renforcer la lutte contre le Paludisme. Pour de nombreux spécialistes rencontrés sur les lieux, l’une des options à associer à ce qui est déjà fait pour barrer la voix au paludisme, est d’arrêter le cycle du développement du Plasmodium chez l’Anophèle. Le Pr Cyrille Ndo, expert en parasitologie et microbiologie, enseignant à l’Université de Douala, au Cameroun, était présent à cet évènement.
Au cours d’une présentation, s’adressant à ses paires, il a déclaré qu’« il faut trouver des voies et moyens pour avoir des gènes que l’on peut modifier » rendant le parasite « incapable de pouvoir poursuivre son développement chez l’Anophèle ». Interroger au sujet de ses déclarations, il relève qu’« au Cameroun, nous avons plus d’une quarantaine d’espèces d’Anophèles et toutes ces espèces n’ont pas les mêmes capacités de transmissions du parasite.» Une façon pour lui de dire que la lutte contre le paludisme est un combat qui demeure très complexe. Cependant, la bonne nouvelle c’est que désormais, les chercheurs africains envisagent des solutions supplémentaires sorties des laboratoires locaux.
Le Pr Cyrille Ndo, a clairement fait savoir qu’en ce moment, il travaille avec d’autres partenaires pour mettre sur pied ce qu’il a nommé « la technique de l’insecte stérile ».En quoi consiste cette dernière ? « Celle-ci vise simplement à rendre les males de moustiques stériles, on les lâche dans la nature et quand ils s’accouplent avec les femelles, celles-ci ne peuvent plus pondre des œufs ; il faut préciser que la femelle du moustique ne pont les œufs qu’une seule fois au cours de sa vie ». Cependant, selon ses dires, il va falloir encore un peu de temps. De la patience ! En attendant cette autre corde à ajouter à l’arc des solutions pratiques dans la lutte contre le paludisme les camerounais se demandent si le Mosquirix TM RTS,S pourra être produit localement. Et pourquoi pas !
WILLIAM TADUM TADUM