INTERVIEW
En quoi consistent vos activités ?
Nous menons des activités essentiellement focalisées dans le domaine de la santé, des droits sexuels et reproductifs. Nous menons des projets qui sont focalisés sur la mère, le nouveau-né, les adolescents en rapport avec la contraception, la planification familiale. Un autre champ d’action qui est le nôtre est celui des soins complets d’avortement pour lesquels nous avons aussi quelques interventions.
« Résilience et systèmes de santé en Afrique : réinventer le futur maintenant ». Quelle lecture faites-vous de ce thème ?
La résilience en matière de santé et de systèmes de santé plus résiliant est un besoin réel qui est reconnu dans le monde entier. Sur la base des leçons tirées de la pandémie à Covid-19 et les autres crises qui s’observent dans le monde, il y a des nécessités qui émergent. Les systèmes de santé ne sont pas bien préparés pour faire face à des crises qui se présentent ou qui se présenteraient. Il faut revoir les systèmes ; il faut revoir les approches pour bâtir des systèmes de santé beaucoup plus solides, plus robustes et plus résiliants pouvant faire faire face aux crises qui peuvent se présenter.
Que comprendre par résilience ?
Par résilience, il faudrait comprendre que, quand il ya un problème, une crise sanitaire qui se présente, une épidémie par exemple, celle-ci entraine la mobilisation des ressources et des personnes. Il faut que, pendant que les systèmes de santé déploient tous types d’efforts pour répondre à l’épidémie, ils soient en mesure de maintenir le niveau de fonctionnement normal pour l’offre des services de qualité pour tous les autres problèmes de santé.
La résilience est à mal lorsque, comme on l’a vu avec l’épidémie de Covid-19, la concentration de beaucoup d’efforts pour répondre à la pandémie par la prise en charge des malades désarticule le système de santé ; celui-ci n’est plus en mesure de continuer à assurer l’offre des services pour les autres cas qui se présentent dans les hôpitaux.
La réinvention du système de santé apportera quoi de plus ?
Avec les différents thèmes qui ont été débattus, les problèmes et les expériences qui ont été partagés, nous avons compris que nous partageons les mêmes problèmes, et que nous devons voir ensemble, apprendre les uns des autres sur comment mieux faire les choses. Des données disponibles ont montré que les femmes enceintes pendant la période d’Ebola n’ont pas eu accès aux soins prénataux dont elles avaient besoin lors des visites prénatales. Certains n’ont pas reçu de vaccin selon le calendrier normal parce que la priorité a été accordée aux équipements, aux médicaments pour répondre à la Covid-19 ; ceci, pendant qu’il y avait rupture de stocks d’autres produits : pas de contraceptifs ; pas de vaccins pour les femmes enceintes… Même les services d’intervention que nous avions ou que nous appuyions ont souffert durant la réponse à la Covid-19.
Quelles leçons avez-vous partagées avec vos pairs à cette conférence ?
Les leçons que nous avons pu partager portaient sur les bonnes pratiques ayant fait preuve d’efficacité, même pendant la période de la pandémie de Covid-19.En effet, nous avions mis en place aussi bien des systèmes de santé avec les formations sanitaires, que des systèmes communautaires. Ces systèmes communautaires ont montré plus de résilience. Les services ont été offerts à travers la communauté dans les services à base communautaire qui sont plus proches des membres de communautés qui en ont besoin. En ce qui concerne l’accès à ces services, leur usage a continué même pendant la pandémie de Covid-19. Nous avons alors partagé dans les différentes sessions avec les autres membres, cette expérience, en insistant sur l’importance de cette participation communautaire et au besoin du renforcement des systèmes communautaires.
Comment est-ce que votre expérience-t-elle été reçue ?
J’ai pris part à une session parallèle où on a échangé sur trois questions : Qu’est-ce qui a bien marché jusque-là ? Qu’est-ce qui n’a pas bien marché ? Qu’est-ce que nous devons faire ? La présentation portant sur la première question a relevé ce qui a marché en rapport avec la gouvernance, les médicaments, les ressources humaines, la prestation des services. Toutefois, elle n’a pas mentionné la participation communautaire. Dans ce groupe, j’ai contribué en partageant notre expérience sur l’importance de l’implication de la participation communautaire. Il faut dire que jusque-là, c’est assez faible. J’ai donc précisé que le renforcement se fait en tenant compte des normes socioculturelles. Nous pouvons venir pour répondre à des besoins identifiés, mais pour les bénéficiaires, ce n’est pas du nombre des besoins ou des priorités. Dès lors, il ya nécessité de comprendre leurs perceptions, de comprendre leurs attentes pour arriver à une compréhension commune. Ainsi, quand on arrive à une compréhension commune, on comprend encore mieux leurs perceptions, leurs attentes, leurs normes socio- culturelles. A ce moment, on parvient à mieux agir. Cela a été une contribution très bien accueillie.
Qu’avez-vous reçu en retour en participant ?
J’ai beaucoup appris de l’expérience des autres. J’ai par exemple compris que les problèmes auxquels les pays du continent sont confrontés sont pratiquement les mêmes. Nous sommes confrontés aux mêmes défis ; nous sommes confrontés aux mêmes menaces par rapport à la crise climatique, par rapport à toutes les crises qui se présentent et qui menacent les efforts ou les résultats déjà bâtis au cours des années antérieures. Je suis maintenant convaincue que nous devons travailler ensemble. Le concept de « One Heath » est un concept réel, un besoin réel. Nous devons bâtir des stratégies ensemble, réfléchir ensemble comme continent, comme une région, et pas aller comme pays développant ses propres stratégies.
Il y a nécessité qu’une fois de retour au pays, l’on puisse se rencontrer afin de voir comment nous pouvons collaborer. Village Reach par exemple est en train de livrer des produits au dernier kilomètre en utilisant même des drones, et c’est essentiellement dans le domaine de la vaccination qu’ils sont en train de travailler. Ils livrent des vaccins pour rendre les produits disponibles là où le besoin se fait sentir, pour diminuer aussi la charge des prestataires qui sans cette intervention, doivent parcourir des kilomètres. Parfois, ils partent chercher les médicaments et ne reviennent dans les centres que deux ou trois jours plus tard. Maintenant, avec cette intervention de Village Reach, ils ont des vaccins sur place. Toutefois, malgré cette aide, ils doivent aussi aller chercher les autres produits comme les contraceptifs, les services de planification familiale que nous appuyons. Dès le retour, nous pourrons voir où est ce que Village Reach intervient et comment faire pour que la livraison des produits, par exemple, soit de manière combinée, de manière complémentaire. Nos interventions seront plus efficaces, plus renforcées.
Que dites-vous des communautés ?
La sensibilisation n’est pas encore bien systématisée. Ce sont des initiatives qu’on peut qualifier d’individualistes. Pour le moment, elles sont portées par quelques intervenants. Un effort à faire en rentrant au pays, c’est de discuter avec le ministère de la Santé que j’ai contacté avant de venir pour savoir si, à ce niveau, réflexion à une stratégie à mettre en place est faite. On m’a dit que cette question n’est pas encore abordée, et que je devais me rapprocher du ministère du plan. Je me prépare à aller faire la restitution des informations reçues, des leçons apprises des autres conférenciers, pour susciter ce besoin au sein du ministère de la Santé, et de montrer l’urgence afin que le ministère, avec l’appui de ses partenaires que nous sommes, initie cette réflexion-là et mette en place une stratégie.