CONFERENCE SUR L’UKRAINE
Le président français Emmanuel Macron annonce une « coalition » pour l’artillerie ; il rajoute que l’envoi de « troupes ne peut être exclu ». A cette conférence, les discussions se sont prolongées jusqu’à tard dans la soirée, signe de l’enjeu et de la complexité du sujet. Cela fait deux ans que la guerre dure. Malgré le soutien massif de l’Occident, malgré de lourdes sanctions multiforme infligées à la Russie, les armées de Moscou ont continué de gagner du terrain en Ukraine. Les troupes de Kyiv sont en difficulté. Cette grande conférence de Paris visait à «inverser la tendance », selon les termes du président français.
Une chose et son contraire
Après la sortie de la vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement présents à l’Elysée, Emmanuel Macron a mis en garde face au «durcissement russe» actuel, alors que «la défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et la stabilité en Europe». Outre l’acheminement de davantage de munitions à Kyiv considéré comme «priorité des priorités», qui va bénéficier d’une «impulsion immédiate», le président de la République française a évoqué la création d’une «coalition» pour «les frappes en profondeur», avec des «missiles et bombes à moyenne et longue portée», sans toutefois donner davantage de détails. Le président français est resté incohérent dans ses déclarations, évasif dans ses propositions. Pourtant, il donne le sentiment d’être le plus-va-en-guerre contre la Russie en Europe.
Questionné sur l’éventuel envoi de troupes occidentales en Ukraine, qui a été «évoqué parmi les options», Emmanuel Macron a nié tout «consensus pour envoyer de manière assumée des troupes au sol», tout en assurant que «rien ne doit être exclu». Et le Président de rappeler : «Nous ne sommes pas en guerre avec le peuple russe, mais nous ne voulons pas les laisser gagner en Ukraine.»
«La Russie ne peut et ne doit pas gagner la guerre en Ukraine».
Côté financier, Emmanuel Macron a assuré que les dirigeants présents se sont entendus pour «déployer davantage de financements bilatéraux», par les Etats, «et européens». «Nous devons aller encore plus fort sur une économie de guerre», a-t-il exhorté.«Des décisions fortes» Lors de son allocution en ouverture de la conférence, Emmanuel Macron a rappelé qu’«au fond, notre sécurité à tous est en jeu». Avant de marteler : «La Russie ne peut et ne doit pas gagner la guerre en Ukraine».
Pour cela, un «sursaut» des pays alliés est «nécessaire» et «implique des décisions fortes» pour «faire plus» en soutien de Kyiv, a plaidé le chef de l’Etat. Le président de la République a aussi alerté sur le «durcissement de la Russie» visible «ces derniers mois», «qui s’est malheureusement cruellement illustré avec la mort d’Alexeï Navalny», le principal opposant à Vladimir Poutine. Autres menaces venues de Moscou qui se sont accrues, selon lui : «les attaques cyber et de désinformation». Idem «sur le front ukrainien», où «les positions sont de plus en plus dures et nous savons aussi que la Russie prépare des attaques nouvelles, en particulier pour sidérer l’opinion ukrainienne», a prévenu Emmanuel Macron.
Il a enfin félicité la Suède, qui va pouvoir «rejoindre notre organisation» de l’Otan après le vote en ce sens de la Hongrie. Après le discours du président de la République, son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, a parlé à peine une minute, en visioconférence. Il a remercié le président français et «tous les collègues» présents à Paris. «Tout d’abord, cher Emmanuel, je veux te remercier pour tout ton soutien et pour l’accord de sécurité récemment signé», a-t-il commencé. «Nous, en Ukraine, apprécions vraiment d’avoir de tels amis, merci à tous les dirigeants, tous les pays qui nous aident depuis deux ans et le début de cette guerre totale», a-t-il ajouté. «Ensemble, nous avons déjà sauvé des millions de vies et ensemble, nous devons nous assurer que Poutine ne puisse pas détruire nos succès et étendre son agression à d’autres pays», a conclu Zelensky.
Les dirigeants invités sont arrivés en fin d’après-midi au Palais de l’Elysée. Pour ce rassemblement organisé à la hâte, le président Emmanuel Macron a accueilli la grande majorité des dirigeants européens, dont le chancelier allemand Olaf Scholz et le chef de l’Etat polonais Andrzej Duda, ainsi qu’une quinzaine de Premiers ministres de pays de l’UE. Parmi les invités figuraient aussi des représentants américain et canadien, ainsi que le chef de la diplomatie britannique David Cameron.
Ces dernières semaines, plusieurs pays, dont la France, l’Allemagne et l’Italie, ont signé des accords de sécurité bilatéraux avec Kyiv. L’UE, qui a livré depuis le début de la guerre pour 28 milliards d’euros d’aide militaire, peine néanmoins à tenir ses engagements, en particulier en matière de livraisons d’obus. Une aide américaine supplémentaire de 60 milliards de dollars reste par ailleurs bloquée par les Républicains au Congrès depuis plusieurs mois. La victoire ou la défaite de l’Ukraine «dépend de vous», avait lancé dimanche à ses alliés le président Volodymyr Zelensky, lors d’un discours depuis Kyiv marquant les deux ans de l’invasion des soldats du Kremlin. «Si nous sommes forts, avec des armes, nous ne perdrons pas cette guerre», avait-il assuré. Message répété ce lundi, à destination de l’Europe cette fois : «Sur un million d’obus que l’Union européenne nous a promis, ce n’est pas 50 % mais malheureusement 30 % qui ont été livrés», a-t-il déploré lors d’une conférence de presse à Kyiv avec le Premier ministre bulgare Nikolai Denkov.
Sur le terrain, les Ukrainiens accumulent depuis quelques semaines les revers dans l’est, notamment avec la perte il y a plus d’une semaine de la ville forteresse d’Avdiivka, et, ce lundi, leur retrait du village de Lastotchkyné, près d’Avdiivka. L’armée ukrainienne fait face à de multiples assauts qu’elle a d’autant plus de mal à repousser qu’elle souffre d’une pénurie de munitions et d’armes.
FRANCISCO LAWSON, Cloche Media Monde et ADAMOU GARBA, Le Calame