PUTSCH AU NIGER
Le 30 juillet, peu après le coup d’État qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, la Cédéao donne 7 jours aux militaires auteurs du putsch de rétablir le président renversé dans ses fonctions. Outre la pluie des sanctions économiques qui se sont abattues sur le Niger, la Cédéao brandi la menace d’une intervention militaire si passée la date du 6 août, ses injonctions n’étaient pas appliquées.
Les sanctions économiques infligées au Niger ne surprennent personne; elles sont les mêmes partout en pareille circonstance. Par contre, la menace militaire est une nouvelle donne qui divise. Derrière le Nigeria qui assure la présidence tournante de la Cédéao et qui prône la guerre, s’alignent la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Bénin, la Guinée-Bissau.
Le Mali, le Burkina-Faso, la Guinée, quant à eux, annoncent qu’ils entreront en guerre si le Niger est attaqué. La Mauritanie et la Libye estiment que la négociation est la meilleure voie de sortie de crise. Abdelmadjid Tebboune, le président algérien met en garde les « va-en-guerre: » Nous avons 1000 km de frontière avec le Niger… Nous ne serons pas les spectateurs de cette situation » , prévient-il. La France, ancienne puissance coloniale, à travers son président Emmanuel Macron et sa ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna, soutiennent totalement les positions guerrières d’une frange de la Cédéao.
Pourtant, au sein même de cette Cédéao et par le passé, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali ou le Burkina-Faso, il y a eu des coups d’Etat. L’idée d’attaquer les putschistes pour réinstaller le président déchu n’avait jamais été à chaque fois envisagée. Qu’est-ce qui a alors changé dans cette partie du continent où la France conserve de solides attaches ?
Nous sommes face à une évidence structurelle : la France a mal à ses ex-colonies. Elle les a enlacées de son cordon ombilical. Au cours des décennies 1960 et 70, l’espace francophone d’Afrique ne totalisait pas 200 intellectuels. Aujourd’hui, ils se comptent par milliers. Ils ont été moulés de tous les courants idéologiques. L’information et la communication planétaires ont fait tomber les derniers préjugés de la hiérarchie raciale. Ce qui n’a pas bougé en revanche, c’est le regard du politique français sur les Africains: de François Mitterrand » homme de gauche » à Emmanuel Macron de la génération Android, tous regardent encore les Africains comme le firent Colbert ou De Gaulle: « ces rieurs naïfs sont nos sujets », pensent-ils toujours. Quelle erreur !
L’Angleterre, le Portugal, l’Espagne ou les Pays-Bas ont décolonisé. Ils ont tourné le dos à leurs anciennes colonies, sauf la France. L’Afrique francophone est sa proie. Paris passe avec ses anciennes colonies des accords militaires au contenu obscur. Elle fait élire à la présidence de la République des personnes dociles. Elle fait main basse sur la monnaie de 14 pays africains, monnaie qu’elle fabrique et ordonnance. Elle installe des bases militaires pour surveiller ses intérêts et les dirigeants » récalcitrants ». C’est tout cela qui exaspère l’intelligentsia et la jeunesse africaines.
Les Africains aiment la France, son hospitalité et sa culture. Ce sont les politiques français qui, dans leur souci de préserver leur position hégémonique et leurs intérêts sur l’échiquier international, ils le font au détriment des Africains. Comment comprendre que la France exploite l’uranium du Niger pour alimenter ses centrales nucléaires depuis plus de 50 ans, et que le Niger, lui, quémande l’électricité au Nigeria?
La France a mobilisé ses amis africains pour l’aider à protéger ses champs d’uranium d’Arlit. C’est tout l’objet de ce ramdam politico-médiatique consistant à vouloir faire la guerre de l’uranium.
Le général De Gaulle avait dit : « la France n’a pas d’ami, elle a des intérêts « . Les intérêts de la France au Niger, c’est l’uranium d’Arlit, et non l’ami Mohamed Bazoum. Après lui, la France continuera d’exploiter ses mines, quelque soit le dirigeant en place. Si par contre la France se risque une guerre par procuration au Niger, elle n’aura pas appliqué le principe de De Gaulle. Elle aura alors signé, pour de bon, son divorce d’avec l’Afrique francophone.