décembre 16, 2024
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Dr Kourouma Kabinet, expert en santé publique en République de Guinée

ECLAIRAGE

Le Calame: Quelle est l’origine de cette maladie ?

Cette maladie est mortelle chez l’homme. La maladie à virus de Marburg a été détectée en 1967 après des épidémies simultanées à Marburg et à Francfort en Allemagne ; à Belgrade en Serbie.

Y’a-t-il un risque d’épidémie ?

Nos frontières sont très poreuses. Il y a la libre circulation entre les Etats, les mécanismes de contrôle des migrations ; et nos systèmes de santé en général ne sont pas performants. Au regard du caractère transmissible interhumain et l’ampleur de la propagation de la fièvre hémorragique Marburg. Celle -ci peut prendre une allure inquiétante. Il est donc clair que si les dispositions nécessaires ne sont pas prises pour rompre la chaine de transmission, nous pouvons affirmer que nous courons un risque imminent d’épidémie.

Qu’est ce qui est fait pour contrôler et endiguer cette pathologie ?

La plupart des pathologies à fièvre hémorragiques (Ebola, Lassa, Marburg…) pour les contrôler voire les endiguer, il faut de grandes actions. La prise en charge précoce des cas (réhydratation et traitement symptomatique) sont des soins de soutien.  La surveillance et la recherche des contacts (identifier et suivre tous les contacts). Il faut des laboratoires efficaces pouvant donner des résultats fiables. Il faut procéder à une inhumation dans la dignité et sans risque, car la population en a besoin. La mobilisation sociale est importante (la participation communautaire est essentielle pour pouvoir juguler les flambées). Il faut mettre un accent sur la sensibilisation aux facteurs de risque et les mesures de protection. Toutes ces actions doivent être pilotées par une ou des ressources humaines compétentes, disponibles et motivées.

L’Afrique est-elle prête à gérer une crise sanitaire majeure de Marburg ?

Par expérience des crises sanitaires précédentes surtout en Guinée, et par connaissance des enjeux liés à la gestion d’une crise sanitaire, il est difficile d’affirmer que l’Afrique est totalement prête à gérer une crise sanitaire. Nos systèmes sanitaires, en général, ne sont pas performants, faute d’investissement en matériels, équipements et ressources humaines. Cependant, en espérant que les autorités sanitaires, les gouvernements et les communautés prendront conscience des effets dévastateurs des épidémies, surtout les maladies à virus hémorragique, tant sur le plan de la santé publique que sur le plan économique. Nous pouvons croire qu’une résilience pourra rapidement se mettre en place afin d’endiguer l’épidémie.

Comment se comporter pour éviter la transmission ?

L’un des facteurs déterminants pour endiguer les maladies épidémiques reste et demeure la communication, pour l’adoption de comportements permettant de rompre la chaine de contamination. C’est pour cela que les médias doivent être un choix primordial à cause de leur large couverture de la population, qui est la pièce maitresse. Il faut impliquer les médias dans la gestion de la maladie.

Pour ne pas être un relais, il faut éviter les contacts physiques rapprochés avec des patients ayant la maladie à virus Marburg. Porter des gants et un équipement de protection individuel pour les agents de santé. Se laver régulièrement les mains après avoir rendu visite aux malades dans les hôpitaux, ou après les avoir soignés à domicile.  

Existe-t-il des sujets plus vulnérables que d’autres ?

Il peut y avoir des personnes qui sont plus exposées que d’autres. C’est le cas des agents de santé.  Par ailleurs, les populations vivant dans les zones où l’accès aux soins est limité, les zones surpeuplées avec un manque d’hygiène et les immunodéprimées sont les plus vulnérables. Face à la peur que la maladie pourrait engendrer, il n’est pas exclu que des velléités de propagation de fausses informations puissent se mettre en place. J’estime qu’il est plus qu’urgent de mettre en place des dispositifs de communication efficaces, de détection, de traitement et de  déconstruction des idées fausses et de riposte face aux fausses informations.

Devrait-on fermer les frontières ?

C’est déplorable d’y arriver à ce recours ! Je pense bien que ce n’est pas productif, la fermeture des frontières. Dans ce monde, personne n’est isolé. On peut fermer les frontières officielles, mais nos Etats sont reliés naturellement entre eux de même que les populations. Nous avons donc des frontières poreuses. Il faut investir sur la sécurité sanitaire avec un grand volet sur la surveillance sanitaire. Aux frontières, mettre en place un système de contrôle des migrations sanitaire, de suivre les contacts là où ils se trouvent, de renforcer la sensibilisation des populations frontalières au respect des mesures édictées ; ainsi que d’impliquer les chefs de communautés dans les processus de décision et de sensibilisation.

Existe-t-il des similitudes entre Marburg et Covid-19, et espérer un vaccin ?

Pour le moment, je pense qu’il serait prématuré d’imaginer une similitude entre Marburg et Covid-19. Mais cela ne doit guère nous conduire à sous-estimer le danger que la maladie à la fièvre hémorragique Marburg puisse constituer pour la santé publique. Face à l’évolution de la science et de la technologie, il y a de quoi nourrir un fort espoir que dans les années à venir, nous pourrions disposer d’un vaccin. D’ailleurs, la recherche d’un vaccin constitue une priorité pour les promoteurs de santé.

La médecine traditionnelle serait-elle une option ?

Elle est reconnue par l’Organisation mondiale de la Santé. Elle est partie intégrante des connaissances à valoriser en matière de réponse aux nombreux enjeux en lien avec la mobilisation des médicaments sûrs et de qualité. Cependant, pour ce cas de figure et comme d’autres, il faudrait privilégier les pratiques à valeurs scientifiques qui se fondent sur des évidences qui font consensus dans le monde pharmaceutique. Si les tradi-praticiens s’inscrivent dans cette dynamique, ce sera salutaire.

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