L’assassinat du héros national a effacé de la scène politique un personnage et une personnalité à qui le destin a offert très tôt de comprendre la politique et ne pas cueillir les fruits de l’indépendance. Il était constant dans ses convictions. C’est lui qui a négocié notre in- dépendance à la tribune des Nations-Unies.
Mort depuis 64 ans, il ne bénéficie à ce jour d’aucune ruelle qui porte son nom dans les villes camerounaises. Aucune ligne dans nos livres d’histoire pour retracer avec faits ses combats. Aucune fête, aucune journée ne sont consacrées à son nom. Les Français fêtent Jeanne D’Arc. Les Congolais ont dédié à Patrice Lumumba à Kinshasa, le nom de la plus belle avenue du de la Rdc.
Pourtant, celui qui a donné ce nom de baptême à ce héro n’est autre que Mobutu Sese Seko. Il ne fut pas son ami, le moins qu’on puisse dire. Mobutu fut le bras avancé des Occidentaux pour éliminer les « récalcitrants » africains. Lumumba mort, ne lui faisait plus peur ; il a récupéré intelligemment son discours.
Barthélemy Boganda est un nom sacré en République Centrafricaine. Son effigie jaunie est fixée sur tous les édifices publics du pays. Les enfants à l’école ont son nom et sa photo sur certains cahiers. Il faut un nom qui uni les citoyens.
A Yaoundé, l’une des rues les plus célèbres et les plus fréquentées- Avenue Kennedy, porte le nom d’un président des États-Unis, dont le seul amour pour les Noirs fut d’avoir frotté les cheveux crépus d’un Négro de 12 ans, avant de déclencher l’une des guerres les plus injustes et des plus atroces au Vietnam. Quand on sait qu’il y a l’Avenue Kennedy a même un monument à Yaoundé, on se demande pourquoi nos morts font-ils peur aux autorités ? Quand on sait qu’il y a la statue du docteur Jamot qui a contribué à éradiquer la maladie du sommeil au Cameroun, on se dit que le Pr Anomah qui a consacré toute sa vie à soigner les malades du sida, mérite-lui aussi le nom d’une impasse à Biyem-Assi.
Aujourd’hui, seuls les Upcistes entonnent l’hymne national de l’unisson autour d’une tombe quelconque et d’une statuette à Eséka consacrés à Um Nyobé. Ce que les autres célèbrent avec faste dans leur pays est renvoyé aux oubliettes comme si dans notre pays on était subitement atteint d’une amnésie collective. Une grande autorité canadienne nous disait : « Si Mongo Beti n’avait pas embrassé la littérature politique, il serait aujourd’hui l’une des meilleures plus de la langue française dans le monde. Pourtant, dans son propre pays, il a été flagellé, comme un bandit.
Où est passé le corps du premier président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo ? C’est lui le bâtisseur du Cameroun moderne. Il n’a bénéficié d’aucun égard. Son palais qui aurait été sanctifié comme celui d’Hailé Sélassié en Éthiopie, a été livré aux vandales d’un soit disant « Maison de la culture », incroyable !
S’il y a eu un passé dans l’anonymat collectif, il y a en aura deux. Il risque d’y en avoir trois. La meilleure manière d’être grand, est de valoriser ses adversaires, d’honorer les morts, de pardonner à ceux qui vous ont offensé, le tout pour construire l’avenir. Le Cameroun a de grandes figures. D’autres nous ont quittés, beaucoup sont encore là, certaines sont dans le futur. La Nation leur sera reconnaissante. Le tri se fait seul.