POINT DE VUE DE XAVIER MESSÈ
Puisque cet intervenant parle de « démocratie », celle-ci ne saurait tolérer une telle exclusion. Un Bulu dirige le pays certes, mais ce ne sont pas les Bulu qui sont collectivement à la tête de l’Etat. Même si tous les Bulu votaient massivement pour Paul Biya, il n’aurait jamais gagné une seule élection présidentielle. Il est toujours à la tête du pays par les voix d’autres Camerounais.
De milliers de Bulu sont très différents de Paul Biya: ils sont ouverts aux autres; ils sont généreux; ils sont bosseurs. Si un Bulu a un projet de société après Paul Biya, il devrait vendre son projet à ses compatriotes, savoir les convaincre et pouvoir les fédérer, sans s’exclure pour le simple mobile qu’il est Bulu.
Paul Biya dirige le Cameroun depuis 42 ans avec ses méthodes, ses programmes et surtout avec son tempérament. Tout cela n’est certainement pas partagé par l’ensemble des ressortissants du Sud, mais ce sont les Camerounais qui ont toujours accepté qu’il reste là, peu importe la façon par laquelle il s’est maintenu au pouvoir.
Le discours de l’exclusion, d’où qu’il vienne, quel que soit son auteur , qu’elle que soient ses raisons, ce discours ne devrait pas prospérer.
La démocratie reste une école de tolérance, d’acceptation des différences, un apprentissage permanent. Si ces principes de base de la démocratie ne sont mis en pratique, nous fonçons droit dans un mur d’affrontements aux conséquences imprévisibles.
Le code électoral du Cameroun est déjà en lui-même tout ce qu’il y a d’anti-démocratie, mais il n’a pas (heureusement) intégré dans ses nombreuses articulations discriminatoires, une disposition selon laquelle, un candidat à l’élection présidentielle ne devrait pas provenir de la même région que le président sortant. Il ne faudrait donc pas que les Bulu s’excluent d’eux-mêmes par culpabilité de contamination. Paul Biya répondra de son bilan seul, et non pas tous les Bulu.