NOTE DE LECTURE
En plus des caprices de son égo, ses motivations sont aussi matérielles. « Il ne faut surtout pas qu’elle tombe enceinte, chaque enfant qu’elle aura ne fera que diminuer l’héritage du mien ». Pourtant, chez les peuls du Nord-Cameroun, la polygamie est normale et même indispensable pour le bon équilibre du foyer conjugal.
Tous les hommes importants ont plusieurs épouses. Même les plus pauvres en ont. Ramla, de son coté, n’avait jamais souhaité être la coépouse de Safira. Elle, n’avait jamais voulu être une rivale. Au fond, Ramla se fiche de leur homme, Alhadji Issa, fut-il la personnalité laplus importante de la ville. On n’avait cessé de lui dire « n’épouse pas qui tu aimes. Epouse celui qui t’aime si tu veux être heureuse ». Il faut dire qu’oncle Hayatou, frère du père de cette dernière, s’était levé un matin et a informé Alhadji Boubakari que leur plus grand partenaire dans les affaires avait demandé la main de sa fille et qu’il la lui avait accordée. Surtout qu’elle était déjà très longue, la liste des prétendants que Ramla avait éconduit.
L’envoyer en mariage chez ce commerçant de 50 ans est donc une salvation. Il fallait éviter qu’elle finisse vieille fille. « Je dois accepter ce mariage tout le monde me le dit. Mais, moi, ce que je ressens ne compte pas ? Qui est ce qui se soucie de moi ? Je ne veux pas me marier. Je voulais continuer mes études » se lamente-t-elle. Ramla, avait un amoureux sérieux qu’elle n’avait jamais oublié et rêvait de finir ses études à l’université car depuis le CM2, elle voulait être pharmacienne.
De temps à autre, elle avait des pensées négatives. « Prisonnière dans une cage de luxe, je ne serai plus jamais pharmacienne » dit-elle à la page 35. Lorsque la violences conjugale alimentée par les coups bas de sa coépouse vont mettre à plusieurs reprise sa vie endanger, la jeune bachelière va tisser un plan à la hauteur de son niveau de réflexion et abandonnera son foyer sans bruit, ni tambours, sans aucun regret. Se foutant complètement des 10 têtes de bœufs déjà donnés et non à crédit à sa famille pour sa dote.
Rêves d’enfance
Ramla est fille d’une famille d’hommes d’affaires. Une famille nombreuse comme un troupeau de bœuf. AlhadjiBoubakari, son père n’avait pas dérogé à la règle. Il avait doté 4 femmes et avait une trentaine d’enfants. Ramla était la plus instruite d’entre les enfants de son père. Depuis son jeune âge, elle rêvait différemment. Sachant bien ce qu’elle ne voulait pas. Elle ne désirait pas un vécu calqué sous le modèle de sa mère, même si à ses yeux, elle est restée belle femme malgré sa dizaine de grossesses.
L’auteure relève que si la mère de Ramla a su garder sa place « cela tient simplement à sa patience. Elle a l’heureuse faculté de tout accepter, de tout supporter et surtout, de tout oublier ». Passionnée de lecture, elle rêvait de devenir pharmacienne depuis sa tendre enfance. Une idée qui faisait rire ses camarades pour qui, « le plus grand bonheur était de se marier à un homme richequi les mettrait à l’abris du besoin, leur offrirait des pagnes et des bijoux, ainsi qu’une maison pleine de bibelots et de domestiques ».
Depuis, le Cm2, elle a vu toutes ses amies et ses camarades de classe se marier les unes après les autres. Oui ! Ramla répond aux normes de la beauté : teint clair, presque blafard, cheveux soyeux et longs, traits fins. Oui, elle était la fille la plus belle, la plus intelligente, la plus rieuse de la ville. Oui, elle voulait épouser son ingénieur. L’homme qui lui avait été imposé était un obstacle à ses rêves de pharmacienne. Elle refusera de se soumettre au dictat de la tradition. Elle refusera de faire la guerre avec sa co-épouse qu’elle dérange. Elle osera voguer vers son avenir, se faire capitaine dans le bateau de sa destiné, déterminée àsauver ses rêves d’enfance. Elle comptait les réaliser aux côtés d’Aminou, le choix de son coeur.
Une fois Ramla partie, Safira s’est dite « je m’étais battu » et j’ai « gagné ». Hélas, sa victoire ne dura que quelques jours. En fait, c’est officiel, Alhadji Issa va se remarier. Safira devra recommencer à se battre. « Les impatientes » est un roman de 133 pages, paru aux éditions Emmanuel Collas en 2020. Ce roman a été prix orange du livre 2019 et Prix Goncourt des lycéens 2020.Cette fiction tirée des faits réels, enseigne surtout que la patience est un art qui s’apprend patiemment !
WILLIAM TADUM TADUM
Salut, article très intéressant! Ça montre vraiment les contraintes sociales auxquelles Ramla doit faire face dans sa société. C’est dommage qu’elle ne puisse pas suivre son rêve de devenir pharmacienne. Est-ce que l’auteur propose une solution pour soutenir des jeunes femmes comme Ramla qui veulent poursuivre leurs études plutôt que de se marier par obligation? Ça serait top de voir des initiatives dans ce sens.
PS: Pour ceux qui s’intéressent aux coûts de la vie ailleurs, j’ai trouvé ce site https://world-prices.com. Je ne suis pas sûr de la précision des données, mais ça peut donner une idée générale.