juillet 22, 2024
Le 03 mai 2023 au palais des Congrès de Yaoundé, le ministre de la Communication, René-Emmanuel Sadi dit : « Le gouvernement ne tolérerait jamais que les journalistes soient mis en danger… ». De son côté, Abdoulaye Traoré, représentant le Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme en Afrique centrale a révélé : « 261 journalistes (y compris au Cameroun) ont été tués ou torturés dans le monde en 2022 ». C’était à l’occasion de la 30ème édition de la Journée mondiale de la Liberté de la presse. Le même jour, deux journalistes camerounais étaient attendus dans les locaux de la police judiciaire à Yaoundé, pour leurs actions professionnelles. Quel paradoxe !

Et pourtant, la presse est utile. Elle rend public des connaissances nouvelles, c’est-à-dire une information vérifiée, recoupée, susceptible de modifier ou de compléter les comportements de son consommateur. La presse, parce qu’elle est utile, elle transporte le message des pouvoirs publics vers les populations, dans un vocabulaire approprié et adapté à l’environnement et au propos.

La presse est utile parce qu’elle dénonce les abus, les maux et les travers de la société, en donnant aux pouvoirs publics des éléments de jugement pour sanctionner les prévaricateurs. La presse est utile parce que les pouvoirs publics ne peuvent pas mettre derrière chaque citoyen un policier pour suivre leurs faits quotidiens. La presse est utile pour le respect des Droits de l’Homme. Elle est le baromètre de la démocratie.

La particularité camerounaise est fondée (malheureusement) sur l’option de déconsidérer la presse. De la chosifier. De lui ôter toute substance d’un pouvoir. De ne pas lui reconnaitre sa mission de chien de garde. De ne pas accorder un crédit à ses révélations et dénonciations. D’adopter face à la presse, la posture du chien qui aboie au passage d’une caravane bruitant.   Aucun procureur de la République ne s’émeut aux dénonciations de la presse. Ni les syndicats, ni les associations professionnelles ne s’intéressent aux dénonciations faites par la presse camerounaise. Le journaliste ici est un pantin. Quand il investigue et dénonce, il est taxé « d’aigri ou d’opposant ». Il est embastillé. Il pourrait être éliminé physiquement, sans que cela émeuve outre mesure. La communauté internationale pourrait toujours brailler, elle finira par passer à autre chose, jusqu’à l’oubli profond. Voilà l’état de la presse au Cameroun.

La liberté de la presse sanctifiée n’est pas seulement ces célébrations mondiales cycliques autour d’une thématique redondante, parfois incompréhensible. Elle est d’abord la volonté affichée par un pays de valoriser sa presse. De lui octroyer un cadre institutionnel de travail viable et coopératif. Le pouvoir au Cameroun, dans ses stratégies d’affaiblir la presse sérieuse, a ses recettes :

  • Promouvoir des flibustiers de la plume à qui tout est offert ;
  • Inoculer la peur aux journalistes qui se permettent de faire des investigations ;
  • Réduire substantiellement toutes les formes d’aide à la presse ;
  • Instaurer un dispositif pénal très répressif.

 Et pourtant, un État soucieux de savoir ce que dit ou pense le pays profond, devrait promouvoir l’émergence d’une presse sérieuse, responsable et citoyenne. Thomas Jefferson aux Etats-Unis l’avait compris très tôt. Il avait dit : « Si je devais choisir entre un gouvernement sans journaux et des journaux sans gouvernement, j’opterais pour le deuxième cas car, les journaux m’informent sur ce que le peuple qui m’a élu veut ».

Nous ne sommes plus au 19ème siècle certes, mais cette réflexion devrait faire réfléchir nos dirigeants qui ont choisi malheureusement de gouverner par la peur, en intimidant  et en  muselant les femmes et les hommes des médias.

* Nous empruntons ce titre du récent livre de Ségolène Royal

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