Je n’ai pas détourné les deniers publics. Je n’ai pas été corrompu. Je ne me suis pas livré au blanchiment des capitaux pour obtenir les biens que je possède. C’est Alain Edgar Mebe Ngo’o qui s’exprime ainsi au tribunal criminel spécial.
L’ancien ministre de la défense enfonce une porte ouverte car de mémoire de chroniqueur judiciaire, aucun mis en cause dans les détournements des fonds de l’État n’a jamais reconnu les faits dès la première question rituelle du tribunal. Même ceux qui se résignent à rembourser les deniers détournés pour obtenir leur liberté ont toujours la même réponse. Je ne reconnais pas les faits.
Madame Haman Adama qui a eu à rembourser deux cent millions pour être libérée avait déclaré son innocence dès le départ de la procédure. Le juge d’instruction dans son ordonnance de renvoi impute à Mebe Ngo’o cinquante-trois immeubles, trente-neuf véhicules et vingt et un comptes bancaires.
Là n’est pas le problème, nous observons que Mebe Ngo’o comme beaucoup d’autres ministres et directeurs généraux a commencé à penser son enregistrement dès la sortie de l’Enam en 1985. Dès cette année-là, son épouse « fonctionnaire » et sa défunte maman étaient au rebond pour réinvestir et c’est Alain Edgar lui-même qui le dit, ses « nombreux avantages » dans des activités génératrices des revenus.
Ce sont les frais de souveraineté, des indemnités pour achat des véhicules de prestige, des frais d’équipements trimestriels, des frais annuels de fonctionnement de l’Hôtel particulier et des frais tirés de nombreuses missions à l’étranger.
Paul Biya qui a occupé toute ces fonctions, secrétaire général de la présidence de la république, directeur du cabinet civil, premier ministre n’avait que sa villa d’Essos au moment où il accède à la magistrature suprême. Des sources bien informées au ministère des finances, il n’existe aucun avantage accordé à un ministre appelé frais de souveraineté ; par contre il existe des budgets de souveraineté géré par certains membres du gouvernement.
Mais les ministres qui gèrent ces budgets n’échappent pas au contrôle des fins limiers du Consupé, de la chambre des comptes, de la direction générale du budget du ministère des finances de la Conac et de l’Agence d’Investigations financières. Ce sont ces gestionnaires de crédit indélicats qui, face à la témérité des inspecteurs, présentent par intimidation des attestations de dépens- es sous le fallacieux prétexte que le budget mis à leur disposition est un budget de souveraineté donc exempt de contrôle.
A titre de rappel, quand une personnalité est nommé ministre, elle a droit à vingt-cinq millions de francs pour achat de véhicule, quand elle est reconduite, on lui verse quinze millions de francs. Il y a sept cent cinquante mille francs issus de l’hôtel particulier qu’on reverse régulièrement à madame pour renforcer sa cuisine et sur décharge. Suffisent-ils ces avantages à faire d’un ministre un multimilliardaire ? Et les frais tirés des multiples missions à l’étranger alors ! Le taux maximum payé quand on est à l’étranger dans le pays le plus cher prévu par le système des nations unies est de cent vingt mille francs par jour.
Quel ministre peut aller faire trente jours de mission à l’extérieur ? pour éviter d’être interpelé pour commentaires tendancieux, je ne peux que lancer ce cri douloureux « Ô homme, c’est à vous que j’en appelle ! Quel est celui qui d’entre vous, qui sur le point de mourir ne rachèterait pas sa vie au dépend de la plus grande partie du genre humain, s’il était sûr de l’impunité et du secret ? Mais continuera-t-il, je suis équitable et sincère. Si mon bonheur demande que je me défasse de toutes les existences qui me seront importunes, il faut aussi qu’un individu, quel qu’il soit, puisse se défaire de la mienne, s’il en est importuné. La raison le veut et j’y souscris. Je ne suis pas assez injuste pour exiger d’un autre un sacrifice que je ne veux point lui faire ».