Avant le début de sa tournée africaine en février dernier, le président français Emmanuel Macron avait, au cours d’une conférence de presse, déclarer son intention de réformer l’aide publique au développement vers l’Afrique. Cette aide est toujours considérée comme l’un des piliers de la politique de la France en Afrique. Le chef de l’Etat voudrait substituer le principe de « l’aide » par l’approche « de l’investissement ». Selon lui, il ouvrirait là « une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable » avec l’Afrique.
Ce n’est ni « l’aide », ni « l’investissement » qui sont à l’origine du désamour entre la France et ses anciennes colonies : c’est le franc Cfa et la non considération des Africains.
Franc Cfa
Cette monnaie créée par le général de Gaulle, fut imposée aux 14 colonies françaises la veille des indépendances. Elle est imprimée en France. Malgré quelques réformettes, les pays de la zone Cfa sont obligés de déposer 50% de leurs avoirs en devises dans un compte à la Banque de France. Ces dépôts sont faiblement rémunérés. Ce sont les intérêts générés qui alimentent le fonds des « aides publiques au développement », et aussi des prêts consentis par la France aux ex-colonies. Il est donc aisé de comprendre pourquoi les institutions internationales classent les ex-colonies françaises parmi « les pays les plus pauvres de la planète ».
Non considération
Les Africains noirs dans leur ensemble, ont la profonde conviction que la classe politique française ne les respecte pas. Son regard sur les Africains demeure colonialiste et condescendant. Il est difficile dans ce contexte, de construire avec la France politique une relation saine et conviviale.
Voilà les deux maux qui fondent aujourd’hui le sentiment croissant anti-français sur le continent. Les déclarations verbales d’Emmanuel Macron n’y changeront rien. Ce qui est important, ce sont des actes. La jeunesse africaine qui exprime son désamour à la France n’a connu ni la colonisation, ni les indépendances. Cette jeunesse s’est approprié le combat politique des chefs d’État africains révolutionnaires qui se sont battus contre le colonialisme et le néocolonialisme.
C’est cette jeunesse que nous voyons actuellement mobilisée dans plusieurs pays africains, dénonçant aussi bien la présence militaire que l’asphyxie économique de l’Afrique par la France. La France politique devrait écouter cette jeunesse et comprendre que plus jamais, rien ne sera plus comme avant.
La Françafrique qu’Emmanuel Macron veut enterrer, c’est certes les réseaux souterrains, les coups d’Etat voulus par l’Elysée ; mais c’est surtout l’abandon du franc Cfa qui intéresse les Africains. Macron n’a pas la force de franchir ce pas. Tous ses prédécesseurs ont récité la même antienne, mais personne n’a osé franchir le Rubicon, ils savent pourquoi…
La France et l’Afrique francophone ont ensemble une longue histoire. Celle-ci est un patrimoine commun. La main mise de la France sur la monnaie de 14 pays sera un jour un élément déclencheur du désamour entre les deux amies. La France ne gagne rien à se mettre en travers du sens de l’Histoire. Si cela devrait être le cas, alors là, l’Afrique noire ressusciterait la France à Saint-Domingue, à Pondichéry, au Vietnam et même en Algérie.