juillet 24, 2024

Atelier pratique de déchiffrage et d'assemblage de séquences d'ADN à partir de briques Lego

La 9ème Conférence de la Pan-African Mosquito Control Association (PAMCA) qui vient de s'achever en Éthiopie, a mis en lumière l'importance de la modification génétique dans la lutte contre le paludisme. Les discussions lors de cet événement ont attiré l'attention sur les avancées scientifiques et les préoccupations sociales entourant cette approche novatrice.

SOCIÉTÉ

Nous sommes le 16 septembre 2023, la capitale éthiopienne calme et paisible se prépare à accueillir le plus grand rendez-vous annuel relatif à la lutte contre le paludisme en Afrique. L’Afrique est un grand foyer de paludisme. C’est ce constat amer qui justifie tous ces cours sur la modification génétique, organisés en prélude à la conférence PAMCA 2023, tenue du 17 au 21 septembre dernier sous le thème : « Réorienter la surveillance et le management face à l’émergence de la menace des vecteurs de maladies ».

Le cours intitulé « Foundation gene drive course » fait la différence. « Conçu dans le but d’assurer une compréhension technique de base des technologies de modification génétique (gene drive) », il va permettre d’aborder les questions de « l’acceptation du public, de la réglementation et des préoccupations écologiques », fait savoir Dr Amelie Wamba, Coordinatrice du projet de Modification Génétique à PAMCA.

Désinformation, sois vaincue !
Il est 8 heures, les 11 participants, plus 3 représentants des peuples autochtones et des communautés locales, sont tous au rendez-vous. L’ambiance est partagée entre sérénité et joie mesurée. Chacun prend place à la table en forme cyclique. Chevalet, micros et dispositifs de traduction sont bien en place. Comme la tradition l’exige, en ce type de circonstances, on commence par les présentations. Les parties prenantes de diverses nationalités, des personnes qui ont une formation non scientifique.

Le décor étant planté, Dr Faaria Hussain, modératrice de la rencontre précise que le but de ce cours est « de favoriser une meilleure connaissance et vision sur la question de la modification génétique en société ». Vu le degré accentué de désinformation observé sur les réseaux sociaux et dans les médias au cours de la pandémie à Covid 19, ce cours se voulait être un impératif. En fait, la modification génétique dans le cadre de la lutte contre le paludisme commence à faire parler d’elle au-delà des laboratoires et des cercles de recherche.

Le Dr Brian Tarimo dans un échange avec les participants

Ce qui exige de donner de la matière au plus grand nombre afin d’éviter les rumeurs qui, selon des explications de plusieurs chercheurs en sciences sociales, se répandent déjà dans les communautés et construisent déjà les théories favorables au rejet de cette technique. Dr Samantha O’Loughlin, chercheuse à l’Imperial College de Londres, est du nombre des encadreurs associés à ce cours. Premièrement, elle a tenu à démystifier les mauvaises croyances qui circulent au sujet du moustique et du paludisme. « Il y a près de 500 espèces d’anophèles et toutes ne transmettent pas le paludisme. » Elle ajoute qu’« environ 30 seulement posent des problèmes de santé publique. Et leur proportion varie selon les continents. » Elle ne manque pas de préciser qu’« il y a des espèces d’anophèles qui ne transmettent pas le paludisme parce qu’elles ne piquent pas les hommes. » Dr Samantha relève que « les moustiques ne naissent pas avec le germe du paludisme en eux » Toutes ces informations ont pour but de faciliter la compréhension de ce qu’il convient de faire lorsqu’on souhaite se servir de la modification génétique pour lutter contre le paludisme.


La modification génétique expliquée aux nuls
Les experts présents à ce cours expliquent que certains moustiques préfèrent piquer les humains, d’autres préfèrent piquer les animaux, et certains se nourrissent uniquement du nectar des fleurs. Ce qu’il convient de relever ici, c’est que ces divers comportements sont associés à des informations contenues dans l’Acide Désoxyribonucléique (ADN) de chaque espèce concernée. Ces informations sont destinées à caractériser leur comportement. Dr Frederica Bernadini, chercheuse associée à l’Imperial College de Londres, surfes sur ces propos pour faire l’autopsie du processus qu’impose la modification génétique en ressortant le but escompté par cette technique dans le cadre de la lutte contre le paludisme. Selon elle, « on part d’un séquençage de l’ADN. On prélève ensuite des codes et on y extrait les messages ou informations spécifiques qui dictent le comportement des vecteurs.»

À partir de là, « on utilise ces mêmes codes pour réaliser de nouvelles combinaisons, créer de nouveaux messages, composés d’informations bien définies et les inserrer dans l’ADN des moustiques qui réagiront désormais en fonction de ces nouvelles données », explique-t-elle avec enthousiasme. L’idée derrière la modification génétique est simple. « Si, par exemple, il existe des informations dans l’ADN des moustiques mâles qui régissent le fonctionnement normal de leurs organes de reproduction, les chercheurs vont modifier les codes dans le but de générer des nouvelles informations ; de nouveaux messages qui commanderont le non fonctionnement de leurs organes reproducteurs, rendant par ce fait lesdits moustiques incapables de se reproduire », explique Dr Frederica en relevant que ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

L’équipe des encadreurs à l’écoute des préoccupations des parties prenantes

Les participants se montrent étonnés par les possibilités offertes par la manipulation génétique. Une fois cette étape réussie, « ces moustiques mâles, désormais stériles, seront relâchés dans la nature. À partir de ce moment-là, toutes les femelles avec lesquelles ils s’accoupleront ne pourront pas pondre d’œufs », ajoute-t-elle. Etant donné que les anophèles ne peuvent se reproduire « qu’une seule fois dans leur vie », rappelle-t-elle, il est clair que la reproduction des moustiques diminuera et « le nombre de cas de paludisme diminuera également », conclut celle-ci. L’idée associée à la modification génétique dans le cadre de la lutte contre le paludisme est de réduire la population des moustiques afin de diminuer le nombre de victimes de la maladie.

Une nouvelle corde à l’arc de la lutte contre le paludisme
Dr Brian Tarimo est chercheur principal à l’Institut de santé Ifakara, basé en Tanzanie. Ce dernier évoque la question de la nécessité des techniques de contrôle du vecteur du paludisme. « Si vous contrôlez le vecteur, vous contrôlez le nombre de cas liés à la maladie », dit-il. Au côté des techniques dites classiques telles que l’usage de la moustiquaire, la pulvérisation intra domiciliaire, les médicaments et vaccins etc, qui selon lui « ne sont jusqu’à lors ni parfait, ni aussi efficace que l’on souhaite », il ajoute « la modification génétique des moustiques. » Cette nouvelle technique est de plus en plus au cœur des échanges en dehors des cercles scientifiques.

Certaines parties prenantes du cours rappellent que, selon leurs observations, les populations des villes et des villages en Afrique ne semblent pas prêtes à accepter cette option. D’ailleurs, il convient de souligner que des chercheurs en sciences sociales du Cameroun, interrogés à ce sujet, confortent cette position. Soutenant que les populations qu’ils ont rencontrées et questionnées dans le cadre d’enquêtes sur la question craignent cette technique, même si elle est dite révolutionnaire. En dehors des laboratoires, les citoyens ordinaires n’ont pas peur de dire qu’ils redoutent que la modification génétique des vecteurs du paludisme puisse entraîner, une fois relâchés dans la nature, des dommages collatéraux incontrôlables, à l’image de ce qui s’est produit avec la Covid-19, qui pour beaucoup est une conséquence d’expériences démesurées qui ont échappées au contrôle des laboratoires.

Les apprenants s’exprimant au sujet de la modification génétique dans le cadre de la lutte contre le paludisme

Conscient de cette situation, le Dr Brian tente de justifier le choix de cette nouvelle approche. Il déclare ; « ce que nous avons prévu pour le contrôle du vecteur du paludisme n’a pas donné les résultats escomptés. L’effet attendu n’est pas au rendez-vous. Les moustiquaires ne fonctionnent qu’à l’intérieur de la maison. Pourtant, de nombreuses personnes passent des heures et des heures à l’extérieur de leur domicile le soir et se font piquer par les moustiques. Les populations ne gèrent pas toujours correctement les flaques d’eau autour de leurs habitations ». En plus, « les moustiques deviennent résistants aux insecticides ». Dr Samantha O’Loughlin apporte une précision à ce sujet lorsqu’elle dit, « nous observons ici que cette résistance biologique s’accompagne d’une résistance comportementale » associée au fait que les moustiques se comportent différemment de nos jours afin de toujours piquer les humains.

Voilà les raisons pour lesquelles, comme beaucoup d’autres experts de la communauté scientifique mondiale, le Dr Brian Tarimo estime que « la modification génétique, même si elle n’est pas la solution ultime, constitue une solution alternative qui vient en complément, en renfort aux approches classiques connues et déjà expérimentées dans le cadre de cette lutte ».
Au vu du nombre d’experts entendus lors de la conférence Pamca 2023, beaucoup de travail reste à faire dans les laboratoires pour appliquer la technique de la modification génétique dans le cadre de la lutte contre le vecteur du paludisme.

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