Depuis le 31 octobre 2022, le mandat du Gabonais Daniel Ona Ondo à la tête de la Commission de la Cémac est forclos. Il en est de même de celui de la vice-présidente, la Tchadienne Fatima Haram Acyl, du Camerounais Shey Jones Yembe, ainsi que des responsables des 13 institutions communautaires qui sont encore en poste.
Le principe de la rotation institué au sein de la Cémac pour occuper les fonctions de chef de mission s’effectue selon l’ordre alphabétique des Etats membres. Donc, il revient à Malabo de désigner le futur président de la Commission, tandis que Yaoundé devra pourvoir à la vice-présidence. Pour déclencher le processus des nominations, il faut qu’un sommet des chefs d’Etat acte les changements concernés. C’est donc Paul Biya, président en exercice de la Cémac depuis le 24 mars 2019 qui doit convoquer ledit sommet.
Il avait, quelques mois seulement après sa prise du témoin, convoqué le 22 novembre 2019 à Yaoundé, la dernière conférence extraordinaire des chefs d’Etat de la Cémac. Il avait été question ce jour-là, de débattre de l’avenir du franc Cfa. Par cette rencontre très éphémère, les dirigeants de la zone centrale de l’Afrique ne voulaient pas laisser à l’Afrique de l’Ouest le monopole du débat sur cette monnaie coloniale aujourd’hui décriée partout, même en Europe, et sur laquelle la France est accrochée comme un rapace qui tient sa proie.
Le mandat du président de la conférence des chefs d’Etat est d’un an. Paul Biya est en train de boucler sa quatrième année sans qu’aucun de ses pairs ne s’en émeuve. Il a au compteur, un seul sommet extraordinaire tenu. L’entourage de Daniel Ona Ondo ne voit pas d’un mauvais œil cet involontaire différé de son mandat. Il souhaite d’ailleurs que cette prolongation se poursuive jusqu’à la fusion probable de la Cemac et la Ceeac prévue à l’horizon 2024.
Les institutions sous régionales à vocation d’intégration fonctionnent efficacement lorsqu’elles disposent d’une locomotive qui tire les wagons. C’est le cas en Afrique de l’Ouest. Là-bas, le Nigéria et la Côte d’Ivoire sont les moteurs de la Cédéao. Celle-ci est devenue un modèle d’intégration réussie en Afrique.
L’ancêtre de la Cémac, l’Udéac (Union douanière et économique de l’Afrique centrale) fut un modèle de réussite parce que le Cameroun de l’époque était une locomotive, doté d’une volonté affichée d’intégration. La mission d’assumer le rôle de leader, d’animer la vie économique et diplomatique ne semble pas faire partie des préoccupations du chef de l’Etat du Cameroun. Aucun de ses paires, en revanche, n’oserait lui faire l’offense de lui rappeler qu’il devrait convoquer un sommet de la Cémac afin de donner des directives aux problèmes latents.
On dit de Paul Biya qu’il est « le maitre du temps » selon Kairos de la mythologie grecque.Il impose alors à ses paires son temps Kairos. Il convoquera un sommet de la Cémac en son temps d’agir, et non selon le règlement de cette instance. En restant maitre du temps Kairos, un matin, il s’apercevra que celui qui se sert du temps Chronos pour agir, aura pris mille longueurs d’avance sur Kairos. C’est ce qui se passe entre la Cédéao et la Cémac. La première avance, la seconde est en hibernation.